Reportage – La Maison de Santé de Hautmont (59)Temps de lecture : 5 min

Paysage Hautmont

La FEMAS Hauts-de-France & l’ARS Hauts-de-France vous font découvrir l’exercice coordonné en parcourant la région, à la rencontre des professionnels ayant choisi de faire de ce mode d’exercice leur quotidien. 1er arrêt, direction Hautmont.

A Hautmont on travaille dans la bonne humeur, et ça c’est le moins que l’on puisse dire. J’y ai rencontré trois professionnels, le Dr Sabrina Cecchin, Médecin Généraliste, Mme Valérie Noël et Mr Dimitri Dedecq, Diététicien·ne·s, tous les trois tout sourire mais un peu stressé·e·s de la venue de ma (pourtant petite) personne.

Durant un peu plus d’une heure ces trois professionnels m’ont conté leur histoire, une aventure qui a débuté en 2016 et dont ils ne se doutaient pas qu’elle leur apporterait tant. A l’époque, l’ARS mandate un cabinet de conseil chargé de faire émerger des projets d’exercice coordonné sur le territoire. Hautmont fait en effet face à une forte pénurie de professionnels médicaux et de certains paramédicaux, la commune est à ce jour classée Zone d’Intervention Prioritaire.

La naissance d’une équipe

Le Dr Cecchin exerçait dans un lieu qui se prêtait au projet qui allait naître, puisque tout le rez-de-chaussée des immeubles de la « Zone de l’écluse » était occupé par des médecins, des masseurs-kinésithérapeutes, des infirmier·e·s, des orthophonistes et même par un laboratoire d’analyses. De plus, les locaux étaient déjà aux normes accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, ce qui était assez novateur pour le territoire. Sollicitée par le cabinet de conseil, le Dr Cecchin ainsi qu’une quarantaine d’autres professionnels de santé se sont réunis une première fois afin de réfléchir ensemble à une manière de mutualiser et coordonner leurs soins. Le Dr Cecchin me confie qu’à l’époque, elle ne savait pas du tout ce qu’était une maison de santé.

Après quelques rencontres, une  vingtaine de professionnels sont restés, ont appris à se connaître et ont décidé de fonder ensemble l’Association du Pôle Santé de l’Ecluse et de créer une Maison de Santé Pluriprofessionnelle. S’en est suivie l’écriture d’un projet de santé, validé dès 2016 et révisé cette année en 2019.

Une organisation originale

Les membres de l’équipe ont décidé de conserver chacun leur cabinet ce qui fait de la MSP de Hautmont une MSP « éclatée ». Cela n’entrave certainement pas le travail en coordination mais cela a pu leur occasionner quelques péripéties ! En effet l’équipe ne disposait pas à ses débuts d’un local suffisamment spacieux pour les réunir, c’est donc dans la salle « Les Ecuries », au centre socioculturel qu’ils se sont rencontrés durant toute leur première année. Après quelques discussions avec la Mairie, un petit local de 70m2 est sorti de terre, un lieu qui était devenu indispensable d’autant plus que la quasi-totalité de l’équipe s’est formée à l’Education Thérapeutique du Patient. Aujourd’hui, des ateliers sont proposés sur la BPCO, l’obésité infantile, le diabète, et bientôt sur les maladies cardiovasculaires, avec la collaboration de l’URPS ML.

L’équipe reste néanmoins mobile voire « ambulante ». Elle se déplace beaucoup pour mettre en place ses différentes actions, par exemple l’éducation thérapeutique qu’elle dispense à la fois dans son local à Hautmont, et dans une autre commune située à 15km.

Cette organisation leur convient bien, les professionnels m’expliquent même qu’ils se sentiraient certainement perdus dans un grand bâtiment unique ! Ils souhaitent faire passer le message qu’il est tout à fait possible de faire partie d’une équipe soudée, avec beaucoup d’interactions sans pour autant exercer dans un lieu fixe et unique.

Cette liberté, on la retrouve aussi dans les conditions d’accueil des jeunes professionnels. Le Dr Cecchin est maître de stage et directrice de thèse. Elle a constaté, au contact de ses internes, que les jeunes professionnels ne souhaitent plus forcément s’installer immédiatement pour une longue durée. Alors à Hautmont, on ne souhaite pas les enfermer dans un carcan d’installation. Si vous êtes un jeune médecin qui souhaite venir travailler à la MSP, l’équipe propose donc des contrats à durée limitée, de 3 mois renouvelables (contrats de médecin adjoint). Par ailleurs, Hautmont se situe en Zone d’Intervention Prioritaire ce qui permet de bénéficier de certaines aides à l’installation.

La prévention au cœur du projet

Ecrire un article sur la MSP de Hautmont sans parler de prévention serait une hérésie, et vous allez vite comprendre pourquoi ! L’équipe s’est lancée pour la première fois dans la prévention à travers l’expérimentation « Retrouve Ton Cap ». Ce dispositif porté par l’Assurance Maladie et le Ministère des Solidarités et de la Santé a été lancé en janvier 2018 dans 4 départements français. Il consiste à proposer une prise en charge précoce et pluridisciplinaire pour les enfants de 3 à 8 ans, à risque de surpoids ou d’obésité. Plusieurs structures répondant aux critères du cahier des charges défini à cette occasion ont été retenues suite à un appel à candidatures, la MSP de Hautmont en faisait partie.

Cette expérience leur a tellement plu qu’ils ont décidé de se lancer pleinement dans l’aventure prévention. Ils ont par exemple développé une action de prévention primaire de l’hypertension « Pas de pression, pas de tension », des ateliers d’éducation à la santé (notamment diététiques) avec pour mot d’ordre l’emploi de métaphores étrangères au domaine du soin.

Aujourd’hui, l’équipe est particulièrement occupée par son dernier projet en date, « On l’a fait, c’est pas compliqué » qui promeut les dépistages des cancers du sein et colorectal. Mais à Hautmont on veut innover, faire preuve d’humour, interpeller en tous cas. Souvent, les messages de prévention invitant au dépistage sont remplis d’injonctions, d’impératifs, de mots qui font peur. Alors à travers ce projet, l’équipe souhaitait insister sur ce qui motive les habitants à se faire dépister, et pour cela quoi de mieux que de travailler avec eux ? Quelques discussions, quelques lectures d’articles et l’idée de créer des « messagers de la santé » a germé. L’équipe anime donc des ateliers de sensibilisation auprès des habitants du quartier (sur 5 sites différents), et ces habitants relaient ensuite ce qu’ils ont appris à travers des affiches créées par leurs soins. Ce sont également les habitants qui décident des emplacements de diffusion, dès lors qu’ils n’ont rien à voir avec le soin : boulangeries, cinémas, Caisse d’Allocations Familiales…

Un partenariat avec le centre de mammographie de la région a également été passé, et l’équipe propose aux femmes ciblées par le dépistage organisé, de s’y rendre ensemble. Un membre de l’équipe soignante est également présent pour un diagnostic d’annonce éventuel, et le lien est systématiquement fait avec le médecin traitant. Enfin, pour dédiaboliser l’acte de la mammographie, la polyclinique du parc a proposé à l’équipe de louer les lieux durant quelques heures afin de tourner un petit film humoristique, disponible sur Facebook et Youtube.

Aujourd’hui, les professionnels de la MSP ont créé des liens avec de nombreuses associations du territoire, les Resto du Cœur, les centres sociaux… et avec les habitants bien sûr. Tous se sont fortement enrichis du travail des uns et des autres.

La recette semble fonctionner puisque les ateliers ne désemplissent pas. Pour le constater par vous-même, rendez-vous sur la page Facebook consacrée à l’action !

Tout récemment, l’équipe a d’ailleurs été mise à l’honneur pour cette action lors des 8e Journées Nationales de la FFMPS (Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé) en remportant le prix du public au concours de posters. Une victoire qui, ont-ils tenu à rappeler lors de leur montée sur scène, est avant tout celle des messagers de la santé des 5 centres sociaux et associations qui participent à leurs ateliers.

Une méthodologie à appréhender

Pour que leurs différents projets soient réalisables, l’équipe a décidé de répondre à des appels à projets. Mes trois interlocuteurs me confient qu’il s’agissait là d’un tout nouvel exercice pour eux, la découverte d’un langage, d’une méthode particulière, un exercice parfois difficile mais qui a fortement contribué à souder leurs liens. A ce sujet, Mr Dedecq me dit : « On s’est trouvé une affinité à travailler sur des projets, sans savoir si ça allait prendre, si ça allait donner quelque chose. […] on a vraiment l’envie de collaborer, de s’entendre, de faire évoluer les pratiques. On se fait évoluer les uns les autres, beaucoup ». Des efforts qui payent puisque leur action « On l’a fait, c’est pas compliqué » fait actuellement l’objet d’un financement de la part de l’ARS.

Le mot de la fin

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette équipe qui fourmille d’idées et fait preuve d’une motivation exemplaire. Si vous souhaitez entrer en contact avec les professionnels de la MSP de Hautmont, échanger ou travailler avec eux, merci de leur écrire à l’une des adresses suivantes : sabrina.cecchin@orange.fr ou nutrition.noel.dedecq@gmail.com

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